Comment l’Amérique d’Obama a pu voter Trump. Get Out pourrait être une clé de compréhension de l’arrivée de l’homme orange à la Maison Blanche. Certes la dimension politique transpire du film, pour autant le film de Jordan Peele n’est pas un traité théorique sur la question du racisme et le traitement des minorités par l’Amérique blanche. Get Out s’inscrit d’abord dans le sillon du cinéma de genre, tirant à la fois sur la comédie et sur l’horreur. La force du film est d’échapper à l’horreur comedy que sont les ‘Scary Movie’ ou le réussi ‘Dale & Tucker fightent le mal’. Get Out assume à la fois la comédie et l’horreur comme des genres à part entière, l’un n’entachant pas l’autre. La comédie devient un mécanisme de l’horreur. Jordan Peele, pur produit de la comédie américaine avec son comparse Keegan-Michael Key, prend à bras le corps le genre de l’horreur, avec ses codes et son histoire.
Dans un premier temps, le film prend la voie de la comédie satirique façon ‘Devine qui vient diner ce soir?’ mais où la question raciale s’inscrit dans l’Amérique post-Obama. En effet, une jeune femme blanche va présenter son compagnon noir à sa famille. A priori, pour cette famille, la question raciale ne se pose pas, quitte à en faire trop. Se pose alors la gêne de la trop grande démonstration de l’anti-racisme par cette famille. Sincérité excessive, exotisme gênant ou racisme refoulé, le trouble s’installe car le jeune homme n’est ramené par cette famille qu’à sa couleur ou ses origines. Son travail, sa culture ou son caractère n’intéressent pas cette famille, seule sa couleur semble être un enjeu moral. Peele créé à la fois le malaise de l’horreur qui s’installe tout en chargeant cette Amérique blanche se disant progressiste mais totalement désintéressée de la question de l’égalité des droits, où Obama ne serait que la bonne conscience d’une classe sociale profondément réactionnaire.
La dimension satirique du film consisterait en un parfait étendard anti-raciste, mais Peele n’est pas un militant et veut aussi faire du cinéma et progressivement bascule la satire dans l’horreur. La filiation carpenterienne du cinéaste apparaît alors totalement dans la création du mal pur. Peele ne tire pas ici ses racines chez des cinéastes plus à gauche comme Romero ou Tobe Hooper pour qui les bourreaux sont aussi des victimes, où la société construit des monstres. Carpenter croit au mal pur, dépourvu de considérations sociales. Les moins avertis les considéraient comme d’horribles réactionnaires, mais comme Peele aujourd’hui, il s’agit juste d’un rapport au monstre différend par lequel le mal pur permet juste de positionner l’humanité. Ici, le mal prend la forme d’un transhumanisme fasciste (sujet plus larvé du film) et pour qui le racisme est codicille de l’horreur.
En fait, la subtilité de Peele tient au fait que le film n’essentialise pas son récit sur la question du racisme mais sert de biais de perception de l’horreur. Au fond, le racisme est une composante de la vision détestable de l’humanité par le monstre. Le monstre ne déteste pas forcément les noirs en tant que tel, mais veut juste utiliser son corps. Cette volonté détestable devient alors possible par un racisme plus global d’une société, où les noirs sont encore aujourd’hui vus comme des marginaux de la société, plus utiles que sincèrement considérés.